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Sculpteur juif lituanien Jacques Lipchitz sauvé par Varian Fry

par | 17/02/2008

Sculpteur français d’origine lituanienne (1891-1973), Jacques Lipchitz est né le 22 août 1891 à Druskininkai (Lituanie, Russie). Lorsque Jacques Lipchitz s’installe à Paris, en 1909, sa sculpture jusque-là traditionnelle subit l’influence du cubisme.

Exposition « Varian Fry, le Juste qui sauvait les artistes »

Agone vient de ressortir le livre de Varian Fry publié en 1991 sous le titre « La Liste noire ». La nouvelle édition, revue et augmentée, s’appelle « Livrer sur demande… – Quand les artistes, les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis (Marseille 1940-1941). » Un hommage est également rendu au Juste au musée de la Halle Saint-Pierre, à Paris, jusqu’au 9 mars.

Août 1940. Varian Fry, journaliste américain de 32 ans, débarque à Marseille missionné par l’Emergency Rescue Committee (ERC). L’association a été créée deux mois plus tôt à New York par des intellectuels libéraux et des antifascistes allemands. Objectif : venir en aide aux écrivains, poètes, journalistes, artistes, militants antinazis menacés par la police française dans une ville devenue le seul point de passage entre la France de Vichy et le monde libre.

Venu avec une liste de deux cents noms de VIP en poche, Varian Fry dispose d’un mois pour les mettre à l’abri. Mais le jeune homme ne se résout pas à sauver les intellectuels traqués par la Gestapo en abandonnant à leur triste sort les anonymes, juifs ou non. Ayant eu un aperçu de la barbarie nazie à Berlin, en 1935, Varian Fry décide de rester à Marseille où il bravera l’article 19 de la convention d’armistice signée entre la France et l’Allemagne : « Le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants désignés par le gouvernement du Reich. »

Aidé par un réseau cosmopolite (où l’on croise le jeune avocat Gaston Defferre, des militants du POUM, de la CNT, des Allemands, des Italiens, des Suisses, des religieux…), résistant avant l’heure, Varian Fry ne fait pas les choses à moitié au sein du Centre américain de secours. D’août 1940 à septembre 1941, avec ses maigres moyens, armé d’une persévérance sans borne, il protègera 4000 personnes. Munies de papiers, vrais ou faux, près de 2000 d’entre elles pourront fuir aux Etats-Unis via des filières passant par les Antilles ou le Portugal d’où partaient cargos et hydravions.

Parmi les artistes, écrivains, poètes, musiciens, philosophes… secourus par Varian Fry, il y a du beau monde. Hannah Arendt, André Breton, Marc Chagall, Marcel Duchamp, Max Ernst, Lion Feuchtwanger, Wilfredo Lam, Jacqueline Lamba, Wanda Landowska, Jacques Lipchitz, Alma Mahler, Jean Malaquais, Heinrich Mann, Roberto Matta, André Masson, Max Ophüls, Benjamin Péret, Anna Seghers, Victor Serge, Jacques Schiffrin, Franz Werfel… ont sans doute échappé au pire. Que seraient-ils devenus si un homme de la trempe de Fry n’avait pas surgi au bon moment dans leur destin ?

Dans la banlieue marseillaise, la Villa Air-Bel, une bastide surnommée Château Espère-Visa, abrita ainsi l’avant-garde politique (notamment des militants de l’extrême gauche anti-stalinienne) et l’avant-garde artistique du moment. André Breton raconte : « Durant l’hiver de 1940 à Marseille Victor Serge et moi sommes les hôtes du Centre américain de secours aux intellectuels, avec les dirigeants duquel nous résidons dans une spacieuse villa de la périphérie Air-Bel. Nombreux, les surréalistes s’y retrouvent chaque jour et nous trompons du mieux que nous pouvons les angoisses de l’heure. Il vient là Bellmer, Char, Dominguez, Ernst, Hérold, Itkine, Lam, Masson, Péret, si bien qu’entre nous une certaine activité de jeu reprend par moments le dessus. C’est de cette époque que date, en particulier, l’élaboration à plusieurs d’un jeu de cartes dessiné d’après des symboles nouveaux correspondants à l’amour, au rêve, à la révolution, à la connaissance, et dont je ne parle que parce qu’il a l’intérêt de montrer ce par rapport à quoi, d’un commun accord, nous nous situons à ce moment. ». Le fameux Jeu de Marseille surréaliste était né.

L’héroïsme et l’efficacité de Varian Fry n’étaient pas appréciés par l’ERC. Sa dérive vers l’action clandestine et les moyens illégaux qui en découlaient fut condamnée par ses mandataires et par le Département d’État. Le consul des Etats-Unis lui confisquera même son passeport. Finalement, le gouvernement de Vichy expulsera ce redoutable emmerdeur accusé d’avoir « trop protégé les Juifs et les antinazis ».

De retour aux USA, fin 1941, rongé par la tristesse de ne pas avoir pu aider encore plus de monde, Varian Fry voulu alerter l’opinion publique sur le sort des juifs en Europe. « Maintenant, je sais et je veux que d’autres le sachent avant qu’il ne soit trop tard », disait-il avant de publier, en décembre 1942, dans The New Republic, un article clairement intitulé Le massacre des Juifs en Europe. Dans le même temps, presque sur le vif, Fry écrivit un livre sur son action en France. L’ouvrage, Surrender on Demand, ne sera publié qu’en 1945, en partie censuré, parce que l’auteur dénonçait la politique criminelle de l’Amérique en matière de visas. Ce livre ne sorti en France qu’en 1999, chez Plon, sous le titre La Liste noire. C’est ce témoignage capital, agrémenté d’un glossaire précieux, que reprennent les éditions Agone avec Livrer sur demande…

A l’occasion du centenaire de la naissance de Varian Fry (né en 1907), le beau musée de la Halle Saint-Pierre présente par ailleurs une exposition-hommage alliant art et histoire. Témoignages photographiques, écrits, documents administratifs, peintures, dessins collectifs, sculptures… se côtoient. On y trouve des œuvres signées Jean Arp, Hans Bellmer, André Breton, Victor Brauner, Camille Bryen, Marc Chagall, Frédéric Delanglade, Oscar Dominguez, Marcel Duchamp, Max Ernst, Jacques Hérold, Wifredo Lam, Jacqueline Lamba, Jacques Lipchitz, Alberto Magnelli, André Masson, Roberto Matta, Ferdinand Springer, Sophie Taeuber, Wols…

En 1995, bien après sa mort survenue en 1967, Varian Fry deviendra le premier américain, et le seul, à être reconnu comme « Juste parmi les Nations » par Yad Vashem de Jérusalem. Parmi les personnes aidées par Varian Fry, figurait Siegfried Kracauer. L’historien disait qu’une vieille légende juive assure que chaque génération comporte trente-six Justes qui maintiennent le monde dans l’existence. « Si ces Justes n’existaient pas, le monde serait détruit et périrait. Mais personne ne les connaît. Eux-mêmes ignorent que c’est leur présence qui sauve le monde de la perte. Pour moi, la quête impossible de ces justes cachés – y en a-t-il vraiment trente-six par génération ? – me paraît être l’une des plus excitantes aventures que puisse tenter l’histoire. »

Varian Fry, « lueur vive dans la nuit », ignorait qu’il était un Juste. Nous, nous le savons et nous le saluons.

Varian Fry, Livrer sur demande… – Quand les artistes, les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis (Marseille 1940-1941). Préface de Charles Jacquier. Avant-propos d’Albert Hirschman. 416 pages, collection Mémoires sociales, éditions Agone. 23€. En annexe, des articles de Fry (dont Le Massacre des Juifs) sont proposés avec 34 illustrations.

Varian Fry, Marseille 1940-1941 et les artistes candidats à l’exil, exposition présentée jusqu’au 9 mars 2008 à la Halle Saint-Pierre (2 rue Ronsard, Paris 18ème). Tous les jours de 10h à 18h. Un catalogue, Varian Fry, Marseille 1940-1941, 250 pages couleurs, est disponible à la librairie du musée. 45€.

Atelier. Après des ateliers sur le Cadavre Exquis et la fabrication de faux papiers ( !), la Halle Saint-Pierre propose un atelier sur le Jeu de Marseille aux enfants (à partir de 6 ans). Rendez-vous du 25 au 29 février et du 3 au 7 mars, de 14h30 à 16h. Infos au 01 42 58 72 89.

Colloque. Dans le cadre de l’exposition, la Halle Saint-Pierre organise un colloque, le 16 février, à 14h, sur le thème Enseignement et transmission de la Shoah. Des interventions de Stéphane Hessel, Georges Bensoussan, Elisabeth de Fontenay, Richard Prasquier et Sylvie Courtine-Denamy sont annoncées. Le colloque sera suivi par une lecture de textes de Varian Fry, d’Hannah Arendt, de Benjamin Fondane, de Benjamin Péret, d’André Breton, de Walter Benjamin… dits par Pierre Katuszewski.


Chaïm Jacob (Jacques Lipchitz), sculpteur d’origine lituanienne juive

Sculpteur français d’origine lituanienne (1891-1973), Jacques Lipchitz est né le 22 août 1891 à Druskininkai (Lituanie, Russie). Lorsque Jacques Lipchitz s’installe à Paris, en 1909, sa sculpture jusque-là traditionnelle subit l’influence du cubisme.

Par l’intermédiaire de Diego Rivera, il rencontre Pablo Picasso en 1913. Il devient membre du groupe l’Esprit nouveau, et expose, en 1920, à la galerie Léonce Rosenberg. Ses sujets sont subordonnés à l’édification d’une architecture spatiale et volumétrique. A partir de 1922, le souci de l’arabesque l’oriente vers une représentation aux limites de l’abstraction où le mouvement se substitue à la stabilité. Il obtient nationalité française en 1924 (russe à la naissance).

En 1920, la galerie Jeanne Bucher à Paris, puis, en 1935, la Brummer Gallery de New York organisent des expositions rétrospectives de ses oeuvres. Il se fixe en 1941 aux USA, où il entreprend des travaux monumentaux. Il est régulièrement exposé à la Buchholz Gallery de New York. Un incendie détruit en 1952 une partie de son travail. Une rétrospective lui est consacrée aux Etats Unis, en 1954. Il crée alors de petits bronzes.

A partir de 1963, Lipchitz s’installe tous les étés à Pietrasanta en Italie. 750 lettres de Jacques Lipchitz adressées à sa première femme, Berthe, depuis New York puis de Pietra Santa (Italie) de 1924 à 1972. Certaines lettres sont en russe. Il décéde le 27 mai 1973 à Capri (Italie).

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