Pays Baltes

Estonie, Lettonie et Lituanie

France-Pays Baltes

par | 4/05/2004

‘Je vous avais dit que nous nous retrouverions et je trouve que ce lieu est un beau lieu pour nous retrouver, avec les représentants de l’Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Hongrie, de la Slovénie, de Malte et de Chypre pour vous dire du fond du cœur nos sentiments de bienvenue. Je parle là au nom du gouvernement de la France.’ M. J-P RAFFARIN

ALLOCUTION DU PREMIER MINISTRE, M. JEAN-PIERRE RAFFARIN,
DEVANT LES VINGT-CINQ AMBASSADEURS DES PAYS DE L’EUROPE ELARGIE A L’OCCASION DES CEREMONIES DE L’ELARGISSEMENT A LA MAISON JEAN MONNET

Excellences, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs

Chers Ministres,

Madame la Député,

Monsieur le Député, Président de la délégation européenne,

Monsieur le Sénateur, Président de la délégation européenne également,

Monsieur le Préfet,

Cher Président,

J’ai beaucoup d’émotion aujourd’hui d’être ici dans cette maison, moi qui toute ma vie ai été dans les salles Jean Monnet, dans des classes Jean Monnet, même la salle du Conseil régional, que j’ai présidé pendant de longues années, était la salle Jean Monnet. J’ai été élevé avec cette image d’un homme fait de simplicité et de courage, cet homme qui a montré ce que pouvait être le volontarisme politique indépendamment des aspects glorieux des fonctions, mais simplement par la vision et la conviction. C’est pour cela qu’aujourd’hui, en ce jour particulièrement important pour notre continent, les peuples sont soumis à une grande émotion, parce qu’ils se rendent compte que l’Histoire est en mouvement et quand l’Histoire construit comme cela, elle-même, son devenir, elle touche les peuples. Lamartine disait que le fait de rassembler les peuples suffit déjà à l’émouvoir. Le peuple européen est aujourd’hui ému de son rassemblement. C’est pour cela, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, que je suis très heureux de vous saluer. Nous nous étions rencontrés à un déjeuner, il y a quelques temps. Je vous avais dit que nous nous retrouverions et je trouve que ce lieu est un beau lieu pour nous retrouver, avec les représentants de l’Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Hongrie, de la Slovénie, de Malte et de Chypre pour vous dire du fond du cœur nos sentiments de bienvenue. Je parle là au nom du gouvernement de la France. Mais je parle aussi, je crois, au nom des membres de l’Union européenne et des ambassadeurs, ici représentés, des quinze membres qui accueillent les dix nouveaux membres.

Cet élargissement, pour nous, est une grande joie. Je souhaite vraiment que le peuple français mesure cette chance qu’est l’élargissement pour notre pays et pour l’Union européenne et que nous chassions les peurs et les craintes, tout ce qui peut ressembler à des replis ou des renoncements, pour voir ce qui s’ouvre devant nous, cet avenir élargi, cet avenir qui porte les valeurs essentielles et que nous voulons saluer. J’y reviendrai dans quelques instants, après avoir fait le lien entre ce message de confiance dans un avenir au sein d’une Europe qui trouve son nouvel élan et ici, dans ce lieu, faire le lien avec Jean Monnet et son parcours, lui qui a été un véritable inventeur d’ambitions. Je crois que c’est ce dont nous avons besoin aujourd’hui et c’est pour cela que je suis heureux de ces circonstances, de pouvoir célébrer le vingt-cinquième anniversaire de la disparition de Jean Monnet et cette Europe à vingt-cinq. Je suis sûr que lui, qui avait l’œil malicieux, aurait noté que ces deux fois vingt-cinq portaient un sens, sens de 450 millions de citoyens qui veulent se rassembler pour construire ensemble leur destin.

Ici, dans cette maison faite de sérénité, mais aussi de force, ce petit-fils de négociant en cognac a trouvé le lieu où il pouvait mettre ses idées en forme et aussi jardiner ses convictions avec les grands du monde. N’oublions pas que le président Kennedy l’appelait « l’homme d’Etat du monde ». Peut-il y avoir, pour un homme public, un qualificatif plus fort, pour quelqu’un qui est toujours resté en avant dans l’action et en retrait dans la fonction ? Homme d’Etat du monde… Le docteur Kissinger disait qu’aucun homme en ce monde n’a marqué et modifié la vie politique de notre époque plus que celui que nous honorons aujourd’hui. Je pense que cette dimension exceptionnelle n’échappe à personne. Jean Monnet a été un acteur présent dans tous les grands évènements du XXème siècle. Je voudrais saluer les différentes étapes de son parcours qui ont construit cette conviction européenne, son engagement à côté de nos amis britanniques dans la première Guerre mondiale, et cette fonction, qui, très tôt, l’a amené à penser « monde », quand il a été Secrétaire général adjoint de la SDN. Et quand tout de suite il a consacré et de son temps et de son expertise – la vente du cognac apprend les chiffres, apprend les comptes, donne la capacité de penser l’international et de pouvoir travailler, y compris sur le budget de la Pologne, y compris sur le budget de la Roumanie et de participer aussi à des initiatives importantes en Chine. Tout ceci, à partir de son expérience personnelle, qui n’a pas été forgée au sein d’une grande école française, que par ailleurs nous admirons évidemment tous. Mais il est important de signaler que quelquefois, la pratique même de l’exercice professionnel peut donner des grands talents de gestionnaire.

Je lisais ce week-end les mémoires de Jacques Delors, qui reprend dans ses premières pages une citation de Dwight Monroe, qui au fond était un des préférés de Jean Monnet, qui fait la distinction entre « ceux qui veulent être quelqu’un » – et c’est vrai que dans notre monde, j’en rencontre beaucoup qui veulent être quelqu’un – et Jean Monnet disait que lui appartenait à ceux qui veulent faire quelque chose. Mais au fond, cette distinction entre ceux qui veulent être quelqu’un et ceux qui veulent faire quelque chose, entre être et faire, finalement, c’est une distinction à laquelle il est intéressant de réfléchir. Je me sens plutôt dans le camp de Jean Monnet.

Je voudrais, autour de toutes ces étapes, rappeler combien il a su voir les choses avec finesse, notamment quand il s’agissait de travailler à l’élaboration du « Victory Program » de Roosevelt, comme quand, en 43, il se retrouve à Alger au sein du Comité français de la Libération auprès du Général de Gaulle. Je ne sais pas si c’est Jean Monnet qui suit l’Histoire, ou l’Histoire qui suit Jean Monnet, amis les deux se rencontrent régulièrement. Et nous voyons qu’il y a là cette construction d’un homme de prospective et de vision, et notamment par son rôle au sein du Commissariat général au Plan qui est un lieu particulièrement stratégique à cette époque. Beaucoup de gens m’ont recommandé de supprimer le Commissariat général au Plan. D’abord parce que l’idée de Plan n’est pas une idée forcément très moderne et a des connotations qui laissent penser à d’autres époques et à d’autres pays. Et j’ai beaucoup réfléchi à cette question dans une période où nous avons supprimé 400 commissions administratives. J’ai voulu garder le Commissariat général au Plan, justement en pensant à Jean Monnet, pour valoriser cette nécessité du goût de l’avenir, de ce désir d’avenir qui l’animait, cette volonté d’avenir qui est indispensable à tout peuple. Je souhaite que ce Commissariat général au Plan, confié justement à un philosophe, puisse aujourd’hui encore apporter ce besoin d’avenir, sans lequel il ne peut y avoir de confiance en soi. Un peuple ne peut pas avoir confiance en lui-même s’il n’est pas éclairé sur ses propres perspectives, et cette mission, qui était celle de Jean Monnet au sein du Commissariat général au Plan, doit inspirer les nouveaux animateurs du Commissariat général au Plan pour se projeter dans l’avenir et donner du sens à l’action menée.

Et puis est venu cet après-guerre et cette capacité, après les différentes réussites qu’il a connues, qu’a eues Jean Monnet, de pouvoir inventer cette idée de génie que fut de proposer, de supprimer l’opposition séculaire entre la France et l’Allemagne et de placer la totalité de la production franco-allemande du charbon et de l’acier sous une autorité supérieure de contrôle, dans le cadre d’une organisation qui reste ouverte aux autres pays européens. Je crois qu’il y a là toute la définition de ce qu’est la relation franco-allemande, et ce qu’elle devient à partir de cet acte : une relation forte de mise en commun, une volonté d’agir ensemble. Et comme le disait déjà le texte, une organisation qui reste ouverte aux autres pays. C’est cette ambition qui est la nôtre. On sait que ces quelques lignes qui ont été reprises par Robert Schuman, le 9 mai 1950, sont lourdes de signification, depuis qu’elles ont été prononcées au Quai d’Orsay, dans le Salon de l’Horloge.

Je pense que, comme le disait P. Viançon-Pontet, « le promeneur de Bazoches a donné une leçon qui restera pour toute l’Europe », c’est cette capacité à se dire qu’il faut, à la fois, avoir une perspective, une grande ambition, une extrême volonté, mais en même temps, construire des étapes pragmatiques réalistes. Je pense que, construire l’Europe à partir du charbon et de l’acier, c’est là où est le génie de Jean Monnet. Et le génie de Jean Monnet est de ne pas avoir fait comme l’Albatros de Baudelaire, qui se serait donné des ailes qui aurait empêché l’Europe de décoller, de pouvoir construire ces étapes pragmatiques et qui sont des étapes d’un mouvement qui ne s’arrête jamais. Et depuis la CECA (Communauté économique du Charbon et de l’Acier), le mouvement européen a eu des rythmes différents, mais il ne s’est jamais arrêté. C’est pour cela que la leçon de Jean Monnet pour l’Europe est très importante. C’est une détermination et c’est un mouvement. C’est pour cela qu’il faut accueillir l’élargissement comme un mouvement utile à tous. Je voudrais vraiment le dire naturellement à nos amis des dix pays qui rejoignent l’Europe et le dire aussi aux Français.

L’élargissement est une bonne et grande nouvelle parce que c’est un mouvement de l’Europe. L’Europe est dans un monde qui bouge à une extrême vitesse ; la Chine s’est éveillée, le monde bouge, l’Europe ne peut pas rester immobile, elle doit faire de ces mouvements sa propre force. Et n’oublions pas les mouvements, les réformes, les changements qu’ont menés les dix pays qui nous rejoignent pour pouvoir nous rejoindre. On n’entre pas dans l’Europe par immobilisme, on n’entre pas dans l’Europe en étant spectateur. On entre dans l’Europe parce qu’on le veut et parce qu’on a réformé profondément sa gouvernance publique pour être dans les acquis communautaires, à l’aise, et pour partager les projets communautaires. Et donc, ces réformes, ces mouvements qui ont été engagés dans les dix pays qui nous rejoignent, méritent d’être salués comme des hymnes au mouvement, et engagent les pays aujourd’hui dans l’Union à poursuivre ces mouvements pour être en harmonie avec un monde qui, sans cesse, accélère lui-même ses propres changements.

L’Europe, ainsi, a permis, grâce à cette capacité de s’élargir finalement, que disparaisse l’Europe de l’Est, que l’on casse le mur, et que l’on casse les murs. Parce que ce mur en avait généré bien d’autres. Il est important qu’aujourd’hui, nous puissions célébrer cette Europe sans murs. Je le dis avec force parce que j’ai une conviction profonde : j’ai peur de la haine, et je la combats du matin jusqu’au soir, je la crois quelquefois éternelle, et je sais que l’Europe est une force qui enlève à la haine son caractère éternel. La haine est l’adversaire de tous les démocrates, elle est l’adversaire de tous ceux qui sont humanistes. Et à chaque fois que la haine pointe quelque part, nous devons réagir avec une extrême violence. La haine que l’on voit, toujours menaçante, ici, dans un cimetière juif, qui se trouve profané, ailleurs, dans des propos racistes, partout la haine est menaçante et partout nous devons la combattre. Et l’Europe est une arme suprême contre la haine éternelle. Et c’est un élément majeur de ce message que nous honorons aujourd’hui et de cet accueil des dix nouvelles nations qui nous montrent que l’on est capable de surmonter les difficultés pour pouvoir se rassembler.

C’est aussi, pour nous, la capacité de réussir un élargissement qui protège, je le dis aux Français. Je vois, ici ou là, un certain nombre d’hommes politiques français montrer la solidarité comme quelque chose qui coûte et comme un effort qui pèserait lourd sur les épaules de la France. D’abord, souvenons-nous quand même des messages de l’Histoire ; c’est celui donne qui reçoit le plus. Et puis, ensuite, regardons ce qui s’est passé avec nos amis espagnols et portugais, combien aujourd’hui nous sommes heureux de voir le développement espagnol et portugais. Est-ce que l’Europe a souffert de ces développement ? Au contraire, ces développements ont servi l’Europe, ils ont servi la démocratie, ils ont servi les peuples qui se sont libérés en se donnant une nouvelle initiative, qui ont quitté les chemins de la dictature, qui ont retrouvé les chemins du progrès et qui ont participé à la construction européenne dans l’intérêt de tous. Je me souviens encore de quelques agriculteurs, voisins de l’Espagne, de quelques autres, du Portugal, qui étaient craintifs. Et aujourd’hui, on voit combien les adhésions ont apporté à l’Union européenne. Et on n’imaginerait pas aujourd’hui l’Union européenne sans cette péninsule ibérique à laquelle nous sommes très attachés. Donc, l’élargissement apporte à tous. Et vouloir participer au développement des peuples, et même ceux qui craignent à l’écart des salaires, quelle est l’aspiration des ouvriers des pays les plus fragiles ? C’est d’avoir le même niveau de vie que les autres ; de se rassembler dans des situations économiques comparables. Et donc, la perspective n’est pas celle d’une Europe à deux vitesses, avec une partie prolétaire qui servirait une Europe avancée. Non, la perspective, c’est l’harmonisation, et l’harmonisation c’est l’équilibre. C’est cela l’élargissement. C’est pour cela qu’il faut y croire, militer pour.

Je vous assure, pour faire de l’action publique depuis un certain temps avec quelques amis, ici, nous avons vu des difficultés, des ruptures de croissance par le passé. Et là, nous avons vécu depuis l’an 2 000 une exceptionnelle rupture de croissance. Nous sommes passés en quatre ans, d’un taux de croissance qui était divisé par deux chaque année : 4 %, 2 %, 1 %, 0,5 %, entre 2000 et 2003. Donc, cette rupture de croissance a naturellement provoqué des difficultés économiques. Que s’est-il passé ? L’Union européenne a été en grande partie protégée par l’euro et si nous n’avions pas eu l’euro nous aurions eu des dévaluations compétitives et nous serions aujourd’hui en train d’affronter non seulement des difficultés économiques, mais aussi des difficultés politiques. L’euro nous a protégés en faisant en sorte que nous puissions réagir ensemble. Et même, quand je vois l’évolution de la parité euro-dollar, heureusement, aujourd’hui, parité qui est devenue plus raisonnable, je vois que notre commerce international, aujourd’hui, à l’extérieur de la zone euro, représente un tiers de notre commerce international. C’est-à-dire que, aujourd’hui, quand nous sommes affectés par une disparité monétaire, nous sommes affectés que sur un tiers puisque les deux tiers se font dans la zone euro. Et quand l’Europe s’élargit, et quand nous souhaitons, comme nous le souhaitons, la zone euro s’élargira, nous serons, les uns et les autres aussi, protégés par ces règles communes.

Donc, il y a dans l’élargissement aussi de la protection, il y a du développement. Il n’y a donc aucune raison d’avoir peur de l’élargissement. C’est une chance pour l’Europe, pour les pays européens, c’est une chance pour la France.

Il va de soi que cette chance impose une exigence : que nous trouvions ensemble notre gouvernance pour être capables, à vingt-cinq, d’avoir des processus de décisions stabilisés, c’est le projet de la Convention. Et il y a quelques désaccords à affiner, nous avons encore quelques solutions à trouver. J’espère que nous les trouverons, parce que, à vingt-cinq, il nous faut des règles pour pouvoir décider ; à vingt-cinq, il nous faut des règles pour pouvoir avancer. C’est pour cela que nous souhaitons, en France, une organisation stabilisée, capable d’avoir de l’autorité, capable d’avoir aussi, la capacité d’écouter les parlements nationaux, capable de donner de la force au Parlement européen, donc de la subsidiarité, mais aussi une présidence stabilisée, et un certain nombre d’éléments, vous les connaissez bien, qui font partie de ce projet constitutionnel, de ce Traité constitutionnel, qui est pour nous tous très important, et qui, naturellement, est nécessaire pour faire vivre cet élargissement. Et si nous avons la chance, en quelques mois, de pouvoir et célébrer l’élargissement – celui d’aujourd’hui et ceux qui viendront demain – et en même temps, nous doter des moyens constitutionnels pour avoir une Europe gouvernable capable de décider, l’Europe aura fait un grand pas et nous aurons été fidèles à l’esprit de Jean Monnet, cette ambition pragmatique qui est celle qui a animé le projet européen.

Je pense vraiment qu’il nous faut veiller à ce que dans nos pays, les peuples n’aient pas peur de cette aventure européenne. La nostalgie n’est pas un projet politique. La nostalgie, quelquefois, donne le sentiment que le mouvement est insurmontable. Mais regardons ce qu’ont fait les pays qui ont quitté le Bloc de l’Est, regardons les étapes qu’ils ont dû franchir pour devenir Européens et assumer leur propre responsabilité. Cette capacité de mouvement-là est exemplaire et elle donne à tous cette envie d’avenir pour nous développer et aussi échanger. Je suis persuadé que tous les pays, y compris les pays qui appartiennent à l’Union européenne dès sa fondation, dès les débuts de la CECA, tous les pays ont besoin d’une Europe élargie pour pratiquer l’ouverture, pour pratiquer l’échange.

Nous sommes dans un monde où on ne peut pas être isolé. Nous sommes dans un monde où l’esprit féodal est toujours menaçant, et, finalement, il conduit au renoncement. Nous devons avoir la culture de l’ouverture, la culture de l’échange. Cela n’empêche pas, naturellement, d’avoir la culture de l’identité. Je suis vraiment convaincu que c’est parce qu’on a conscience de son identité qu’on a envie de connaître l’identité de l’autre. Celui qui ne se connaît pas soi-même n’est pas tenté de découvrir l’autre. Il n’y a pas opposition entre l’identité et l’ouverture. Mais nous avons besoin d’ouverture, et je le dis aux plus jeunes des Français aujourd’hui, nous devons nous ouvrir encore davantage au monde. Dans le passé, la France a tourné le dos à certains mouvements du monde. Quand le monde exportait sa croissance, la France dévalorisait le travail, quand le monde valorisait une démocratie jeune, la France renonçait à observer son vieillissement, quand le monde créait des lieux de danger politique, des lieux de danger militaire, la France sous-estimait – mésestimait – ces questions de sécurité. Il ne faut pas tourner le dos aux évolutions du monde. Il faut, au contraire, les anticiper et faire les efforts nécessaires qu’un monde dangereux nous impose.

Nous serons plus forts, quand nous parlerons ensemble des différents sujets qui nous préoccupent. Nous sommes plus forts quand nous regardons, pour les réformes que nous avons à mener, Monsieur le Ministre, sur les retraites ou sur l’assurance-maladie en France, nous sommes plus forts des expériences menées dans les autres pays, parce que nous pouvons discuter des différentes solutions, des différentes difficultés, et comme nous avons les mêmes problèmes, la manière de les affronter ensemble peut nous aider à le faire avec plus de sagesse et plus de capacité de réforme. Enfin, je voudrais vous dire que si la France est décidée à vivre cet élargissement, avec bonheur et avec joie, c’est parce qu’elle est convaincue qu’elle a un rôle à jouer dans cette construction européenne devenue une construction nécessaire au monde.

Nous avons, nous Français, un rôle à jouer. Nous ne voulons pas avoir un rôle solitaire. Nous ne prétendons pas vouloir participer seuls à cette mobilisation. Evidemment, ce serait à la fois présomptueux, prétentieux, sans doute peu fiable, et en tout cas, ce serait arrogant, ce que ne doit pas être la France. Mais à l’exemple de Jean Monnet, cette capacité d’inspirer le projet européen, de nous métisser avec d’autres formes d’inspiration. Nous ne pouvons pas vivre cette Europe à vingt-cinq, comme vous le disiez, Monsieur le Président, nous ne pouvons pas vivre que de procédures et de directives. Il faut une âme à l’Europe. Cette âme, elle est fondée sur des valeurs, des valeurs qui ont été celles qui sont nées au cours des siècles précédents et que finalement, on a trouvé rassemblées autour des valeurs de l’humanisme, des Droits de l’Homme, de ces droits universels qui sont essentiels à la culture européenne. Mais il nous faut nourrir l’Europe aussi des valeurs du XXIème siècle.

Nous devons renforcer l’âme de l’Europe pour qu’elle soit aussi adaptée aux préoccupations du XXIème siècle. Nous avons aujourd’hui à penser à des sujets essentiels à la société d’aujourd’hui. On a pensé aux Droits de l’Homme, il faut penser aux droits de l’enfant. On a pensé à naturellement tout ce qui est l’organisation économique du monde. Il nous faut penser à la protection de la planète. Nous sommes aujourd’hui dans une humanité qui a la capacité de détruire son espace vital. Nous devons nous mobiliser pour que l’Europe soit en tête de la conscience de la protection de la planète, car nous devons protéger l’espace vital de l’humanité. Nous avons là des sujets qui sont des sujets majeurs. Nous devons travailler à l’organisation du monde.

La gouvernance mondiale est en route. L’ONU se réformera, l’OMC se réformera. Nous organiserons un jour une organisation mondiale de l’environnement. Si nous ne donnons pas à l’Europe sa force rapide et ses propres convictions, l’Europe ne sera pas l’inspiratrice du monde. Nous devons être des inspirateurs de l’Europe pour que l’Europe inspire le monde, et que nos valeurs soient celles de l’organisation d’un monde que nous voulons à la fois pacifique, à la fois prospère, mais à la fois aussi plus juste. C’est cette mission-là qui est la nôtre et c’est cette mission-là à laquelle Jean Monnet nous a appelés.

Je voudrais terminer en vous disant que le projet européen est un grand projet du XXIème siècle. Naturellement, il est né avec cette volonté d’échapper pour toujours à la guerre. Aujourd’hui, il doit être le projet dans lequel nous allons inventer des solutions pour que l’humanité sur sa planète trouve les formes de son développement dans la justice et dans l’équité. C’est là un formidable message politique, un message politique qui nous vient d’un homme qui a fait de la politique comme M. Jourdain faisait de la prose. Ce ne sont pas les apparences du pouvoir, ce ne sont pas les prétentions excessives des formes d’expression originale, ce n’est pas la médiatisation suprême, c’est simplement la capacité de conjuguer convictions et simplicité. Courage et ambition, c’est ça aujourd’hui le message de Jean Monnet. Au fond, qu’on parle au cœur des peuples et qu’on puisse finalement comprendre l’aspiration des peuples, et l’aspiration des peuples, c’est d’avoir au fond d’eux-mêmes, quelque chose de plus grand qu’eux, qui à la fois est leur espace de développement, qui leur apporte la liberté et la sécurité. C’est comme cela que nous pouvons à la fois être fidèles à Jean Monnet, être aussi fidèles à un autre homme qui a vu ce qui s’est passé dans les années 39-40, avant tout le monde, je pense à R. Char. Je pense à cette lucidité du poète qui est capable de voir dans les événements ce que personne d’autre ne voit, et cette capacité extrême de lucidité, et R. Char qui a montré son courage et sa lucidité, disait au fond de l’amour – c’est le message que j’adresse aux dix pays qui nous rejoignent : aimer, c’est vouloir que les choses soient ce qu’elles sont.

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